Montmartre : mille ans d’histoire tumultueuse

Origines: du village gaulois au martyre de Saint-Denis

Bien avant de devenir le quartier des plaisirs de la capitale, Montmartre n’était qu’un modeste village accroché à la butte surplombant Paris. Son nom viendrait du celte « Mons Mercurii » (mont de Mercure) en référence à un temple dédié au dieu romain du commerce. Au 3ème siècle, Saint-Denis y aurait été décapité par les Romains avec deux de ses compagnons. Cet épisode fondateur valu à la butte d’être baptisée « Mont des Martyrs » puis Montmartre.

Au Moyen-Âge, les abbayes et moulins à vent se multiplièrent sur les flancs de la colline. Montmartre nourrissait alors les Parisiens avec son vin, célébré par les poètes latins. Sous Louis XIV, un moulin à vent y fut construit en 1622. Transformé en cabaret au 19ème siècle, il inspira le nom du futur Moulin-Rouge.

Naissance d’un quartier bohème (1800-1900)

C’est sous le Second Empire que Montmartre commence sa mue. Attirés par les loyers bon marché, des peintres paysagistes s’installent sur la butte pour capturer la beauté bucolique des lieux. Le télégraphe Chappe, construit tout en haut de la colline en 1794, intrigue ces premiers « bohèmes ».

La guerre franco-prussienne de 1870 change la donne. Pour protéger Paris, le gouvernement fait de Montmartre une zone militaire. Ses fortifs et ses murs d’octroi sont détruits, rattachant pleinement le village à la capitale. L’annexion des communes alentour par la ville de Paris en 1860 avait déjà stimulé la construction immobilière.

Cafés, cabarets, bals et maisons closes s’installent pour répondre aux besoins des militaires et des Parisiens en goguette. La rue des Martyrs et le Boulevard de Clichy deviennent des temples de la fête et de la dépravation. En 1881 s’ouvre le Chat Noir, cabaret qui accueille Erik Satie et fait naître le concept moderne de « cabaret ».

L’épopée du Bateau-Lavoir

En 1890, un jeune commerçant germanophone du nom de Paul Signac loue des baraquements bon marché à Montmartre. Surnommés « Bateau-Lavoir » en raison de leur proximité avec un lavoir, ces ateliers vétustes attirent une faune bigarrée d’artistes fauchés. Juan Gris, Modigliani, Picasso et ses maîtresses s’y côtoient dans la promiscuité et la créativité débridée.

En 1910, la bande du Bateau-Lavoir organise un grand bal costumé pour Carnaval. Picasso y vient déguisé en torero, Françoise Gilot en cheval et le poète Max Jacob en évêque ! L’alcool et la drogue coulent à flots, donnant lieu à des scènes surréalistes. Ce n’est qu’au petit matin, après le départ des derniers noceurs, que le Bateau-Lavoir est détruit dans un gigantesque incendie…

Le French Cancan et ses stars

Sous le crayon talentueux de Toulouse-Lautrec, le French Cancan devient l’emblème mondial du quartier de Montmartre à la fin du 19ème siècle. Au Moulin-Rouge, aux Folies-Bergères et au Jardin de Paris, les danseuses de cabaret soulèvent leurs jupons dans un tourbillon effréné, scandalisant les bien-pensants de l’époque.

La Goulue, Jane Avril, La Môme Fromage… Ces reines de la nuit posent pour les peintres les plus en vue. Leurs visages espiègles et leurs silhouettes plantureuses deviennent le symbole de la Parisienne libérée et insouciante. Sous leurs tutus et leurs strass se cachent pourtant bien souvent des existences miséreuses…

Déclin et renaissance de Montmartre (XXe siècle)

Occupé par les Allemands pendant la Seconde Guerre Mondiale, Montmartre souffre énormément des restrictions. Le lapin remplace peu à peu la viande dans les assiettes tandis que le vin se fait rare. Heureusement, le Bateau-Lavoir reconstruit rouvre ses portes en 1945 pour accueillir les Surréalistes.

Dans les années 1960-70, Montmartre attire hippies et beatniks séduits par son aura de village d’artiste. Mais les promoteurs immobiliers rôdent, attirés par la valeur foncière du quartier. En 1970, la vieille place du Tertre est entièrement rasée pour permettre la construction d’un grand parking souterrain. Scandale ! Heureusement, la mobilisation des habitants permet de reconstruire la place à l’identique.

A partir des années 1990, Montmartre devient une destination ultra-touristique, perdant peu à peu son charme d’antan. La mairie tente de réguler les excès en limitant par exemple le nombre de bus quotidiens. Un difficile exercice d’équilibriste pour maintenir l’attractivité du quartier sans sacrifier son âme !

Renaissance culturelle du quartier

Heureusement, depuis les années 2000, le quartier renoue petit à petit avec sa tradition artistique. De jeunes créatifs investissent des locaux laissés vides pour ouvrir galeries, friperies vintage ou cafés littéraires. Les musiciens de jazz se produisent à nouveau Place du Tertre comme du temps de Sydney Bechet.

La Butte Montmartre redevient également un lieu de tournage privilégié pour le cinéma. Amélie Poulain y cherche son destin en 2001 et plus récemment, le film Animation « Le Sommet des Dieux » sublime les paysages du quartier. Entre tradition et modernité, Montmartre n’a décidément pas fini de fasciner…

Vous pourriez également aimer...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *